Le cerveau d’un enfant varie selon la pédagogie qu’on lui applique

Lorraine Rossignol

Publié le 19/02/2016. Mis à jour le 01/02/2018 à 09h01.

Chercheuse en neurosciences cognitives affiliée à l’Inserm, Manuela Piazza a travaillé avec Céline Alvarez à l’école Jean-Lurçat de Gennevilliers.

« Je me suis rendue plusieurs fois dans la classe de Céline Alvarez pour observer les enfants, faire des tests, comparer leurs performances cognitives par rapport à la moyenne de la population française, en termes de lecture et de calcul. Non seulement leurs résultats n’étaient pas inférieurs à la moyenne, comme on aurait pu s’y attendre – la plupart de ces enfants étant d’origine immigrée, donc objectivement confrontés à davantage de difficultés – mais ils étaient supérieurs !

Regarder des images d’un cerveau d’enfant, par nature plastique et flexible, changer en fonction du type de pédagogie qu’on applique est très impressionnant. La question du stress, en tant qu’inhibiteur des acquisitions, n’est plus à démontrer. Il faut maintenant en tenir compte, faire par exemple en sorte que l’erreur soit reconnue comme une étape indispensable de l’apprentissage. La question de l’attention est un autre point à travailler en priorité : on n’avance pas si on continue de décider que ce jour-là, à cette heure-là, c’est telle chose qui sera apprise par tout le monde et rien d’autre. Prendre en compte les intérêts et le rythme de chacun n’est pas utopique, c’est une question de moyens et d’organisation. Le troisième axe, majeur, est de créer des classes mixtes, à l’exemple de celle de Céline Alvarez à Gennevilliers. Faire participer les plus grands à l’enseignement des plus petits. On sait en effet qu’essayer de transmettre une connaissance constitue, en soi, un moment crucial de l’apprentissage.

Céline Alvarez, l’instit qui passe l’école au scanner

Les neurosciences sont les seules à pouvoir nous renseigner sur la complexité de l’être humain. Bien sûr, nous n’en sommes qu’au début de nos découvertes et sommes loin d’avoir trouvé la « recette » idéale des apprentissages. 

Il revient à chaque enseignant de faire avec son propre talent, et sa créativité. Mais nous sommes sur la bonne voie — celle dont Maria Montessori avait eu l’incroyable intuition. La publication par la revue Science, en 2006 et 2011, de deux études solides prouvant la pertinence de sa pédagogie le confirme. Depuis, l’Opera nazionale Montessori (l’association officielle créée à Rome par Maria Montessori de son vivant) est incroyablement sollicitée pour former des enseignants dans le monde entier. Notamment aux Etats-Unis. Même en Chine, qui, longtemps, a massacré ses enfants pour en faire des ultraperformants. Le pays s’est rendu compte qu’il avait fait fausse route et que ses procédés éducatifs n’étaient finalement pas si « rentables ».

Une conférence de Céline Alvarez sur les compétences exécutives de l’enfant. D’autres vidéos sont disponibles sur la chaîne Viméo de la chercheuse.