Open space un enfer pour les personnes neurodivergentes

Odeurs, bruits, lumière et bavardages incessants : pour certains, le travail en open space demande de gros efforts.

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Environ deux ou trois fois par semaine, dans un petit open space londonien, Lilith* travaillait avec un ordinateur sur ses genoux, accroupie sous son bureau – une longue table rectangulaire que se partageaient six personnes. « Je suis vite submergée par le bruit et la foule, dit-elle. Les gens qui travaillaient avec moi trouvaient ça drôle, si ce n’est un peu bizarre, mais ils ne me posaient pas de questions. »

Lilith souffre d’un trouble dépressif grave, d’un trouble panique et d’un trouble obsessionnel compulsif, et bien qu’elle suive régulièrement une thérapie et prenne des médicaments, ses symptômes peuvent parfois réapparaître. En 2017, lorsqu’elle travaillait comme rédactrice dans une entreprise de médias numériques, le simple fait d’être au travail pouvait être un défi.

Imaginez le bureau typique d’aujourd’hui : plus de 70 % du temps, il s’agit d’une grande pièce remplie de tables communes. Peut-être qu’il y a une cloison entre vous et votre voisin, mais souvent il n’y en a pas. Parfois il y a un con isolé et silencieux, mais souvent il n’y en a pas. Y a-t-il un espace séparé pour manger et changer de décor ? Si vous avez de la chance. Il y a des odeurs, du bruit, de la lumière et des bavardages incessants. La navigation sociale complexe exige que vous soyez pleinement intégré à une équipe, que vous soyez disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, par mail et sur Slack, et que vous participiez aux réunions et collaboriez avec vos collègues.

Pour les personnes neurodivergentes, c’est beaucoup demandé. La neurodiversité se caractérise par des variations dans le fonctionnement du cerveau et englobe l’autisme, le déficit de l’attention ou la dyslexie. Le terme a été élargi pour inclure les personnes souffrant d’anxiété, de dépression, de trouble obsessionnel compulsif et de stress post-traumatique – tout ce qui fait qu’une personne pense un peu différemment.

Pour les défenseurs de la neurodiversité, ce n’est pas aux personnes neurodivergentes de se conformer aux aménagements de bureaux traditionnels, mais aux lieux de travail de s’adapter à cette diversité. Lorsqu’ils sont autorisés à travailler selon leurs propres horaires et dans des environnements agréables, les personnes neurodivergentes peuvent s’épanouir. Et même si des entreprises technologiques comme Microsoft, HP et SAP révisent leurs méthodes d’embauche et de travail pour les rendre plus inclusives, beaucoup de personnes neurodivergentes ont du mal à trouver et garder un emploi. Aux États-Unis, environ 50 à 75 % des adultes autistes diplômés de l’enseignement supérieur sont au chômage. Le taux de chômage des personnes bénéficiant d’un traitement dans le domaine de la santé mentale est d’environ 80 %.

Lilith, maintenant âgée de 25 ans, dit qu’elle a eu quelques patrons compatissants. Quand elle faisait des crises de panique au bureau, elle pouvait sortir et respirer. Quand il lui était impossible de sortir de chez elle, elle pouvait travailler à distance. Certains jours, elle travaillait entre 2 et 4 heures du matin, puis venait au bureau en fin d’après-midi.

Mais Lilith a quitté son poste et est de retour à la pige. « Je réagis mal aux routines inflexibles. En général, je tiens six à huit mois avant de commencer à paniquer et de voir ma santé mentale se détériorer, dit-elle. J’ai donc un peu peur de chercher un nouvel emploi. »

Après ses études, Sara Luterman, 29 ans, a décroché un premier emploi en tant qu’assistante de rédaction pour une revue médicale. Deux semaines après sa prise de poste, elle a été licenciée car elle ne « s’intégrait pas à la culture de l’entreprise ». « Je ne sais pas ce que cela veut dire, dit-elle. J’ai probablement fait quelque chose de socialement inapproprié, mais personne ne m’a dit quoi. »

« Je trouve que le fait d’aller tous les jours dans un open space représente un défi sensoriel. Le bruit, l’éclairage et la présence constante d’autres humains s’accumulent et je suis tout le temps épuisé ou sur le point de craquer » – Sonny Hallett

Sara est autiste, et malgré un CV irréprochable, il lui est très difficile de trouver et de garder un emploi. « J’ai tendance à louper mes entretiens, sans doute à cause de mon manque de compétences interpersonnelles, des signaux non verbaux et du langage corporel », dit-elle. On lui a déjà dit que sa façon de parler est hostile et condescendante. « Beaucoup de personnes autistes ont un ton de voix ou une cadence inhabituels, dit-elle. J’ai déjà été convoquée aux RH et j’ai dû en parler à mes collègues de travail, ce qui était vraiment désagréable. Mais je suis contente qu’ils m’en aient parlée, au lieu de me virer. »

Sonny Hallett, 32 ans, est autiste et travaille comme illustrateur à Édimbourg. Il n’arrive pas à garder un emploi plus de neuf mois. « Je trouve que le fait d’aller tous les jours dans un open space représente un défi sensoriel. Le bruit, l’éclairage et la présence constante d’autres humains s’accumulent et je suis tout le temps épuisé ou sur le point de craquer. »

 

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Article de Shayla Love, traduit par Sandra Prouty-Skrzypek