Trouble du déficit de l’attention

Découvrez les talents de vos employés atypiques !

[ZEBRE AND CO] Groupe continu 2020 - 2021

Si le discours en faveur de la diversité gagne du terrain dans les entreprises, les employés atypiques, comme ceux à trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) dérangent toujours les modes opératoires en place dans des organisations qui ont du mal à s’adapter à cette différence, faute de bien la connaître.

Le TDAH est lié à un fonctionnement atypique chronique des parties du cerveau liées aux « fonctions exécutives » d’un individu. Ses symptômes (dont la distractibilité, l’impatience, l’impulsivité) ne sont généralement pas nocifs en tant que tels pour l’individu et ne deviennent donc handicapants qu’au contact des demandes de la société telle qu’elle est organisée par la majorité.

Les difficultés sévères et persistantes que le TDAH entraîne au quotidien valent à ce fonctionnement atypique le statut de trouble neurocomportemental, et parfois même de handicap. On parle alors d’individus « neuroatypiques ».

Le terme de déficit de l’attention entretient une certaine confusion. En effet, l’attention des personnes TDAH n’est pas moindre par rapport à la majorité (les « neurotypiques »), mais elle est différente. Canalisée et utilisée à bon escient, cette différence peut se révéler être une grande force pour l’employé TDAH, comme nous l’avons constaté lors de nos travaux sur le sujet. Cette particularité constitue également un atout pour celles et ceux qui bénéficient des fruits de la pensée de l’employé TDAH, notamment dans un collectif qui privilégie souvent la pensée linéaire et l’attention « en projecteur » (on ne se focalise que sur une chose à la fois).

Malgré une présentation clinique de plus en plus documentée et un nombre croissant de diagnostics, le TDAH reste sous-diagnostiqué, sous-traité et souvent mal compris. Ce trouble est couramment diagnostiqué chez les enfants, si bien qu’il est souvent perçu, à tort, comme n’affectant qu’eux. Or, la prévalence du TDAH à l’âge adulte est loin d’être négligeable puisqu’elle se situerait entre 2 et 5 %, voire plus selon les études.

Un potentiel créatif supérieur

Actuellement, on retrouve une tendance à inscrire la diversité dans le monde de l’entreprise via l’innovation en ressources humaines, notamment dans les processus de recrutement. Nombreuses sont les entreprises souhaitant répondre à une pression croissante venant des parties prenantes qui insistent pour voir des équipes plus mixtes, multiculturelles, issues de courants de pensée différents et aux parcours variés.

Cette tendance semble donc s’inscrire au nom de l’égalité des chances et dans un souci de représentation de la société au sein de l’entreprise, mais pas seulement. En effet, s’il est désormais bien connu que la mixité des profils et la diversité cognitive font partie des caractéristiques culturelles des entreprises les plus performantes, c’est surtout au nom de l’innovation que les organisations appuient leurs politiques de diversité.

Or, des études récentes montrent que les personnes TDAH ont un potentiel créatif supérieur à la normale, qui se manifeste notamment par une tendance à l’anticonformisme, à la pensée originale, et la pensée divergente.

Souvent, les personnes TDAH peuvent être repérées en entreprises lors de réunions de brainstorming, par leur facilité naturelle à produire rapidement de nombreuses idées originales, et à ne pas se laisser influencer par ce qu’elles savent déjà ou ce qui existe déjà.

En effet, l’expansion conceptuelle constitue un autre aspect de la cognition créatrice associée au cerveau TDAH. Certains employeurs clament haut et fort qu’ils veulent attirer des individus neuroatypiques, précisément en raison de ce potentiel créatif.

En tant qu’employeur, si vous vous appliquez à attirer, intégrer, et développer vos employés TDAH, vous faites ainsi d’une pierre un nombre incalculable de coups, puisque vous dotez votre équipe d’une personnalité en plus, mais aussi d’un antidote au groupthink (opter pour une mauvaise décision simplement parce qu’elle fait consensus) et d’une imagination sans limites. Cependant, il est très important de ne pas se mentir : il y a bel et bien un envers à ce degré de « débrouillardise », de réflexion déstructurée, et d’attention multi-focalisée.

Informer et sensibiliser

Le TDAH donne lieu chez beaucoup d’adultes qui en sont atteints à des comportements qui, en entreprise mais pas seulement, seront à gérer avec ouverture d’esprit et empathie. Si un traitement multimodal (médicament, psycho-éducation, coaching) aide la plupart des adultes à mieux gérer leurs symptômes, notamment au travail, le cerveau TDAH ne se normalise pas – même mieux géré, il est toujours là.

En conséquence, pour que cela constitue un réel avantage pour une organisation, encore faut-il que celle-ci accueille la curiosité, la pensée divergente, l’expérimentation et l’erreur, comme des outils de travail à part entière.

Les adultes TDAH qui réussissent professionnellement sont souvent perçus comme dynamiques, créatifs, spontanés. Leur énergie aide à entraîner les collaborateurs vers de nouvelles idées et de nouveaux projets ; leur enthousiasme convainc, il est contagieux.

Cependant, ceux qui aiment s’exprimer en réunion seront aussi repérés par leurs interruptions fréquentes, leur agitation voire leur inconfort lorsqu’il doivent attendre leur tour pour parler, leurs observations binaires ou encore la blague qui met tout le monde mal à l’aise. On notera en outre une aisance, voire une certaine nonchalance, de beaucoup de personnes TDAH en présence de leurs supérieurs hiérarchiques, pendant que leurs pairs adopteront certainement une posture et une attitude moins spontanées et plus solennelles.

Ce qui en réalité est une manifestation de l’impulsivité intrinsèquement liée au TDAH de l’employé sera alors attribué par ses collaborateurs à un manque de politesse, une haute opinion de soi, ou encore un manque de respect envers les codes de l’entreprise, envers l’ordre des choses.

En réalité, cette hyperactivité cognitive constitue un symptôme du TDAH moins connu du grand public, et particulièrement déroutant car totalement invisible. Si un collègue TDAH ne tient pas en place en réunion (il dessine sur son bloc-notes, ou se lève sans prévenir), cette personne est plus visiblement hyperactive. Les choses se compliquent pour la personne TDAH dont le cerveau est hyperactif dans le sens où il ne cesse de produire – et de percevoir – des stimuli internes, sous forme de pensées ou d’idées.

Imaginons que l’une de vos employées, brillante et bien intentionnée, soit connue pour savoir habilement présenter des idées de nouveaux projets devant son équipe. Mais cette même personne est aussi connue pour ne jamais aller au bout de ses projets : la passion avec laquelle elle appréhende le projet au départ semble comme essoufflée après peu de temps ou, avec l’arrivée d’une autre idée… qui connaîtra certainement le même sort par la suite.

Ce débordement d’idées constant épuise et ralentit la personne TDAH dans sa production de ce que l’on appelle ses « livrables » (ou résultats), déjà mis à mal par les difficultés d’organisation, de planification, et de mémoire à court et long termes, toutes caractéristiques du TDAH adulte.

Sans information et sensibilisation à l’existence de différentes manières de penser, et donc de se comporter, la perception des collaborateurs sera celle de quelqu’un qui n’est pas fiable, qui parle beaucoup mais ne fait « rien ». Si la collègue en question n’est pas consciente de son TDAH, elle se pensera résolument incompétente et perdra peu à peu confiance en elle et en ses capacités, pourtant bien présentes.

Performer autrement

Bien que l’inattention soit l’un des symptômes les plus connus et reconnus du TDAH, il est inexact de conclure que les individus souffrent constamment d’un manque d’attention. Des études ont ainsi prouvé que les adultes TDAH sont particulièrement susceptibles d’atteindre le fameux état de flow, ou hyperfocus, recherché par ceux qui souhaitent effectuer du deep work.

Cette capacité n’empêche toutefois pas le cerveau TDAH de faire preuve d’une attention dite multi-focalisée, par opposition à une majorité cognitive qui prône « l’attention comme un projecteur, un seul angle », ce qui pose problème dès l’école.

Au bureau, cette différence dans la régulation de l’attention se remarquera par exemple chez ce collègue qui régulièrement, pendant une conversation entière est capable de montrer presque tous les signes de présence (par exemple, hochements de tête au bon moment), mais serait incapable de répéter les deux dernières phrases que vous venez de prononcer même si sa vie en dépendait.

Pourquoi ? Peut-être qu’il a vu un écureuil passer devant la fenêtre, ou que vous avez dit un mot qui lui a fait penser à sa liste de course, ou à une chanson qu’il a entendue pour la première fois à Barcelone, « ah, et d’ailleurs, Barcelone… ».

L’errance de l’esprit est certainement le trésor du cerveau TDAH qui souffre le plus au contact de la société dans laquelle nous vivons. À l’heure où nos familles, nos emplois, les publicitaires et les réseaux sociaux se la disputent, notre attention devient bel et bien le plus beau cadeau que l’on puisse offrir à un interlocuteur, un collègue ou un projet. Pourtant, « être dans la lune » serait bien plus productif que l’on ne le suppose, puisque cet état serait directement lié à l’émergence de pensées créatives.

Comme l’écrivait J.R.R. Tolkien :

« Tous ceux qui errent ne sont pas perdus ».

Cette citation implique plusieurs choses si on l’applique au cadre du TDAH dans le monde du travail. Leur cerveau est depuis toujours habitué à faire de la réingénierie de modèles et de méthodes établis (coping mechanisms, hacking) pour pouvoir les utiliser quand même, un peu comme les gauchers trop souvent oubliés et qui tous les jours manient maints objets dans un monde de droitiers. Pour performer, les personnes neuroatypiques doivent donc s’organiser autrement.

Avoir des employés TDAH et les soutenir pleinement dans leur développement aussi bien personnel que professionnel, dépendra de bien plus que des accommodations matérielles et de confort que l’entreprise va mettre en place. Certes, la flexibilité d’horaires et de lieu de travail, les casques antibruit, l’accès autorisé à des applications informatiques spécialisées, les pièces calmes et la réduction des interruptions, restent des avancées positives… mais insuffisantes.

Sans une intervention pour revisiter en profondeur sa culture organisationnelle (par exemple, via une transformation accompagnée et/ou du coaching ciblé), une entreprise ne peut se prévaloir du statut d’employeur inclusif. Peu importent les sommes investies pour un marketing dans ce sens, la véritable marque employeur se révélera si l’individu TDAH et son entourage professionnel s’enlisent dans une dynamique, une incompréhension et des tensions qui sont non seulement contre-productives mais surtout, évitables.

Source : https://theconversation.com/

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